Pascal NORBELLY (6e Dan Aïkikaï) le 16 avril 2013

Le 16 avril 2013

Est-il encore nécessaire de vous présenter Pascal Norbelly ? Non bien-sûr ! Et ceux qui ne le connaissaient pas ont encore en souvenir l'enthousiasme, l'humour, l'énergie et la convivialité avec lesquels il a animé ce fameux interclubs à Varennes-Jarcy, le mardi 16 avril 2013.
Recevoir Pascal Norbelly sur les tatamis de Varennes était vraiment inespéré, alors obtenir une interview dans les vestiaires d'Aïkivj devait faire partie du rêve ! Pascal a aussitôt accepté et bouleversant quelque peu les règles du vestiaire, il nous livre, toujours avec passion, détermination et bien-sûr humour, les secrets de son Aïkido. Bonne lecture !

- Peux-tu nous préciser les grandes étapes de ta pratique des arts martiaux ?
- Comment s'est passé ton premier contact avec l'Aïkido ?
- Quelle(s) est (sont) la (les) rencontre(s) qui a (ont) été importante(s) pour toi pendant ces années de pratique ?
- Quel(s) est (sont) ton (tes) meilleur(s) souvenir(s) de pratiquant ?
- Comment définirais-tu ton Aïkido ?

Je réponds en bloc à tes premières questions !

J'ai commencé l’Aïkido en 1975 dans un petit club de banlieue, à Courbevoie. Le professeur était jeune et dynamique. Il venait d'obtenir son 2ème dan. Je voulais faire un art martial avec un copain mais nous n'étions ni l'un ni l'autre intéressé par la compétition. La beauté et la souplesse des mouvements nous ont séduits. Le professeur nous a motivé pour les entraînements du soir avec les adultes, nous avions mon ami et moi tout juste 14 ans.
Ce jeune professeur nous a appris la rigueur et l'exigence des arts martiaux mais toujours avec simplicité. Les entraînements duraient 3 heures, trois fois par semaine et nous avions en plus une fois par mois, un week-end de stage de 12 heures.
Ce professeur, tu le connais bien, c'est Bernard Palmier! Mais à l'époque, il avait des cheveux longs et pouvait même chanter du rock !



Tu comprendras que la première rencontre déterminante pour ma pratique, et au delà, est ce jour de septembre 1975 quand j'ai regardé ce grand jeune aux cheveux longs projeter avec souplesse et rapidité des grands gaillards dans ce petit dojo de la Maison pour Tous de Courbevoie. J'ai plongé dans l’Aïkido comme un fou, j'en faisais beaucoup sans être fatigué et sans jamais être déçu.

En 1978, quand Bernard nous a annoncé sa décision de partir au Japon pour plusieurs années, juste avant mon passage de 1er dan, j'ai senti comme un grand vide. Je ne me voyais pas faire de l’Aïkido avec quelqu'un d'autre. Mais il avait tout prévu.
Bernard m'a emmené, quelques temps avant son départ, dans un stage de Tamura Senseï. C'était mon premier stage en dehors du club. J'avais un petit niveau technique de 1er kyu mais le dynamisme de la jeunesse. Je suis tombé sur un des Uke que prenait Tamura Senseï, un jeune petit et rapide. Il m'a donné une leçon d’Aïkido en 10 mouvements. Je précise que même si on doit changer tous les 4 mouvements, je n'ai pas eu l'occasion de faire une seule technique d’Aïkido digne de ce nom. Je me retrouvais, sans savoir comment, contrôlé ou projeté ou immobilisé. Le mouvement à faire, je m'en souviens encore , c'était Shiho nage sur Katate dori. En bref, une remise en question totale de mon Aïkido, car à cette époque je pensais avoir déjà un Aïkido !
Cette deuxième rencontre déterminante est, tu l'auras peut-être deviné, celle de Christian Tissier, juste revenu du Japon après huit ans là-bas, tout frais et surtout très affûté.

".. J'ai plongé dans l'Aïkido comme un fou ..."

Malgré quelques réticences, à cause de mon estime de soi un peu blessée, j'ai suivi Christian depuis ce jour de mai 1978. Je ne compte plus les stages avec lui en France et dans le monde entier. J'ai pu faire avec lui des centaines de démonstrations, des films, des livres, autant de moments où j'ai pu apprendre beaucoup sur l’Aïkido mais aussi beaucoup sur moi-même.

Christian depuis son retour du Japon n'avait qu'une idée: faire venir Yamagushi Senseï en France pour nous le faire connaitre, celui qui lui montrait la voie à suivre depuis son arrivée au Japon en 1968.
Le premier stage que j'ai suivi avec Yamagushi Senseï a été une grande désillusion. Je ne comprenais pas pourquoi les Uke les plus forts du Dojo semblaient tomber comme des brindilles sans que le Maitre ne bouge le moindre petit doigt. Plutôt dubitatif et même critique, je me disais que cette forme d’Aïkido ne me convenait pas. J'avais besoin de quelque chose de plus musclé. Je continuais néanmoins à suivre Christian et à m'entrainer matin midi et soir presque tous les jours. Les années sont passées bien vite. J'ai pu entre les cours d’Aïkido et quelques nuits blanches obtenir le Capes de Mathématique à l'université de Paris VI.

".. Le mouvement avait glissé sur lui comme de l'eau sur un imperméable ..."

En 1981, je crois, Yamagushi Senseï lors d'un stage à Paris m'a demandé de le saisir en Katate dori pour faire Kaiten Nage. Cela ne s'est pas déroulé en grande démonstration, c'était juste en passant près de moi, personne ne regardait, juste en coup de vent... mais pour moi un fiasco total ! J'avais l'habitude de suivre Christian, de faire des chutes au quart de tour, de partir en chute feuille morte, de répondre à la moindre sollicitation, mais là rien de tout cela. Des poignets tout minces, aucune tension, aucune raideur, ma saisie s'est annulée toute seule. Yamagushi Senseï était déjà ailleurs lorsque j'ai compris que je devais chuter. Pas un regard, pas une explication, rien, juste un vide, le mouvement avait glissé sur lui comme de l'eau sur un imperméable.
Une seule envie : il faut revivre cela au plus vite. J'ai décidé de continuer à suivre Christian et à ne pas manque la venue de Yamagushi Senseï en Europe. Chaque année, il venait en Allemagne et en France animer des stages. Quelques années plus tard, Yamagushi Senseï m'a de nouveau sollicité comme Uke. J'ai retrouvé les sensations de cette première fois et mille autres encore. Je pense que la rencontre avec cet « homme remarquable » a bouleversé ma vie et ma conception de l’Aïkido. Il avait une exigence totale sur le technique. Yamagushi Senseï était intransigeant sur l'entraînement, il fallait répéter, répéter sans cesse les formes de bases pour enlever l'inutile et aller à l'essentiel. « Il faut polir sa pratique » aimait-il à répéter.
Il disait « Il faut vous entrainer, vous entrainer encore, enrichir votre expérience, avoir du vécu mais, malgré tout, regarder toujours chaque technique comme si vous la voyiez pour la première fois».
Il disait souvent qu'il fallait garder l'esprit du débutant (Shoshin). J'essaie de suivre cette voie, J'essaie de ne pas avoir pleins de certitudes, l’Aïkido est en mouvement, il évolue comme nous évoluons nous même.
Je pratique l’Aïkido avec cette idée, je suis exigeant sur la technique mais je veux aussi que les pratiquants ne s'enferment pas dans une recherche pointilleuse. La technique doit pouvoir nous libérer de la technique ! « Esprit libre, Esprit Aïkido » pour paraphraser le bouquin de Shunryu Suzuki.     

".. La rencontre avec cet homme remarquable a bouleversé ma vie ..."

- Pendant tes stages ou tes cours, l'humour est omniprésent dans tes démonstrations. Il semble que les pratiquants soient plus réceptifs aux messages et aux consignes de travail lorsque celles-ci sont transmises avec le sourire. Qu'en penses-tu ?

L'Aikido est un moyen d'expression, il faut trouver son mode personnel. Je suis là comme enseignant pour accompagner les pratiquants dans cette direction.
Quand j'ai commencé l’Aïkido, les professeurs avaient toujours une mine triste, sûrement pour être craints et respectés. C'est avec Christian Tissier que j'ai appris à être souriant mais tout aussi sérieux dans ma pratique. J'essaie de transmettre cette idée qu'on peut apprendre l’Aïkido sans pour autant avoir l'air triste et sévère. Je suis pour développer un enseignement de qualité dans la simplicité et la décontraction. Le plus difficile dans ce cas est bien sûr de ne pas se laisser dépasser par le laisser-aller et l'irrespect.

".. dans la simplicité et la décontraction ..."

- Responsable technique, Membre de jury, membre du collège technique, professeur, animateur de cours, de stages, de séminaires, formateur, ... Ton activité en ce qui concerne l'Aïkido est débordante. Peux-tu nous décrire la journée d'Aïkido typique de Pascal Norbelly ?
- Malgré ce planning, tu as accepté notre invitation sans problème. C'est important pour toi d'être disponible et à l'écoute des clubs et des aïkidokas ?

Mon activité est bien chargée mais pas seulement en Aïkido. En ce qui concerne l’Aïkido, je suis membre du collège technique national depuis plusieurs années. J'anime des stages régionaux ou nationaux dans toute la France.

Je suis Délégué Technique Régional de Picardie. Depuis 10 ans, j’essaie de développer l’Aïkido dans cette grande région. J'ai pu former des ceintures noires et des professeurs du 1er au 4 dan avec l'aide des enseignants des clubs bien sûr.
La région, petit à petit, devient autonome en ce qui concerne l’Aïkido. Il nous manque encore des cadres mais j'y travaille avec énergie.

J'essaie de développer l’Aïkido à l'étranger, en Allemagne, au Luxembourg, en Pologne, au Canada et en Turquie. Je me rends dans ces pays pour former des cadres et ainsi permettre que l’Aïkido s'y développe dans de bonnes conditions.

Mais, avant tout, je suis Professeur de Mathématiques depuis presque 30 ans. J'enseigne aux jeunes(12-18ans) et j'anime aussi des formations pour les adultes. Je suis également membre de jury comme pour l’Aïkido mais avec un enjeu bien plus grand pour les candidats.

- J'ai lu sur ton site que tu avais créé et mis en œuvre une action de prévention de la violence à l'école en partenariat avec la ville de Bonneuil sur Marne, peux-tu nous en dire plus ?

J'ai longtemps travaillé dans l'insertion des jeunes en rupture scolaire. C'est à ce titre que j'ai pu mettre en place une action de prévention de la violence à Bonneuil en liaison avec la Mairie et les établissements scolaires. Cette action est une vraie réussite, chaque année, les enfants de Bonneuil suivent des cours d'initiation à l’Aïkido. Le professeur qui s'en occupe, Pascal Marcias, 5 dan, axe son travail sur les principes et non sur la technique. Les enseignants sont très heureux des résultats obtenus. Pascal met en pratique le respect, l'échange, la coopération, l'entre-aide, le refus de la surenchère. Il fait faire de l’Aïkido mais cela ne s'arrête pas au geste technique.

".. j'essaie de développer l'Aïkido à l'étranger ..."

- C'est ta première animation à Varennes-Jarcy ! As-tu un message particulier à adresser aux participants de mardi soir ?

Aucun message particulier, si ce n'est : continuez à pratiquer l’Aïkido dans la bonne humeur, comme vous le faites déjà. Restez exigent sur la technique mais n'en faites pas un frein. Gardez cet esprit d'ouverture vers les autres que j'ai pu ressentir ce mardi soir.

".. gardez cet esprit d'ouverture vers les autres ..."

- Les passages de grades approchent à grands pas et en tant que membre du jury, quels conseils donnes-tu à tous ceux qui préparent un passage ?

Les passages de grades sont un moment important de notre parcours en Aïkido. Nous n'avons pas de compétition et c'est tant mieux. Pour autant, la forme actuelle des passages de grades demande une préparation que les pratiquants sous estiment souvent.
Il faut penser à la préparation physique, technique et mentale. Il faut travailler les trois dimensions sur le long terme et les inclure dans sa pratique quotidienne.

".. j'ai confiance en la jeunesse ... en l'harmonie des anciens ..."   

- Pour finir, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ? Et quelle aurait été ta réponse ?

Nous avons parlé beaucoup du passé mais il est aussi important de soucier de l'avenir.

Peut-être aurions-nous pu échanger sur le futur de l’Aïkido ?

De par mon métier, j'ai confiance en la jeunesse. Il faut accompagner les plus jeunes qui feront l’Aïkido de demain et d'après demain. L'idéal serait de le faire en harmonie avec les anciens mais est-ce possible sans réveiller la querelle des Anciens et des Modernes ?

Merci Pascal d'avoir accepté que tout cela soit possible. Ton animation à Varennes ainsi que toutes tes réponses resteront des moments forts dans l'histoire de notre club.
Merci également pour tout ce que tu représentes pour les Aïkidokas et pour l'Aïkido !

P@scal

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